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  • Au Pakistan, le Trust Aga Khan pour la culture contribue à la revitalisation de la ville fortifiée de Lahore en partenariat avec le gouvernement du Pendjab et la Banque mondiale.
    AKDN / Matthieu Paley
Trust Aga Khan pour la culture
La ville fortifiée de Lahore : préserver le patrimoine et ouvrir la voie au renouveau

Véritable légende, Lahore fait partie des joyaux urbains de l’Asie du Sud. Durant le règne de l’Empire moghol (1526-1857), dont elle fut brièvement la capitale, la ville a connu une vague de construction de monuments majeurs, dont des mosquées, des fortifications, des palais et des jardins. On y retrouve notamment le fort de Lahore, un monument classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, ainsi que la mosquée Wazir-Khan. En 1947, d’importantes parties de sa ville fortifiée ont été détruites par les incendies criminels et les pillages qui se sont déroulés en parallèle de la partition des Indes. Petit à petit, cette enceinte historique est tombée en ruines, alors que le développement urbain se recentrait sur de nouvelles zones.

Aujourd’hui, Lahore est la deuxième plus grande ville du Pakistan, la capitale de la province du Pendjab et compte plus de 11 millions d’habitants. Agglomération industrielle majeure, la ville a opéré une transition de l’industrie manufacturière vers le secteur tertiaire au cours des dernières décennies et est depuis devenue le plus grand centre de production de logiciels du pays. Sa situation et son potentiel économique ont attiré main-d’œuvre et capitaux pendant de nombreuses décennies, mais le manque d’investissements dans les infrastructures et le développement non contrôlé ont limité la croissance économique de la vile et entraîné, au fur et à mesure, d’importants embouteillages, des vagues de pollution croissantes et une baisse manifeste de la qualité de vie pour de nombreuses familles.

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Vue aérienne du fort de Lahore, Pakistan.
Copyright: 
AKDN

2007 : les débuts

Par l’intermédiaire de son entité nationale, le Service culturel Aga Khan, Pakistan (AKCS,P), le Trust Aga Khan pour la culture (AKTC) a conclu un partenariat public-privé (PPP) avec le gouvernement du Pendjab et la Banque mondiale. Le but de cet accord était de contribuer à la préservation des monuments moghols de la ville fortifiée de Lahore et de stimuler le développement socio-économique dans les quartiers environnants à faible revenu.

Au cours de la première période du programme, l’AKTC a élaboré un cadre stratégique préliminaire pour la revitalisation du tissu urbain de la ville fortifiée et a fait activement campagne auprès du gouvernement du Pendjab pour créer un organisme local chargé de la responsabilité administrative des sites historiques. C’est ainsi que l’Autorité de la ville fortifiée de Lahore (WCLA) est née en 2012. Depuis, elle est un partenaire essentiel pour le développement des capacités techniques et s’efforce d’aider les résidents à s’approprier les nouveaux projets mis en œuvre - une condition sine qua non à la durabilité de ces trésors culturels. 

Conservation et restauration de monuments majeurs

L’AKTC a mené des travaux de conservation et de restauration sur le mur illustré, le palais d’été, les cuisines impériales et la porte Shah Burj du fort de Lahore, ainsi que sur le hammam Shahi et la mosquée Wazir-Khan.

Le Trust met en œuvre ses projets sur la base des technologies et des principes de conservation les plus avancés, mais vise également à répondre aux besoins et aux attentes de la population locale. Pour ce faire, il met en pratique une méthodologie basée sur les éléments clés suivants : documentation, études et enquêtes préliminaires ; recherches archivistiques ; mise en œuvre de méthodes de construction traditionnelles en parallèle de techniques de conservation modernes lorsque la situation le nécessite ; minimisation des interventions en vue de respecter l’intégrité esthétique et physique du tissu historique ; réversibilité et compatibilité des mesures de conservation ; formation de professionnels et d’artisans qualifiés ; mise en place de projets pilotes et de prototypes ; et documentation et archivage détaillés des projets menés.

L’AKTC a organisé son travail selon trois niveaux de priorité. Premièrement, la stabilisation d’urgence des bâtiments dangereux ou instables qui présentaient un risque pour la sécurité des visiteurs et l’intégrité des structures. Deuxièmement, la mise en place de mesures comme la gestion des eaux de pluie ou la construction de systèmes de drainage adaptés pour éliminer la cause première de la détérioration des bâtiments. Troisièmement, la réalisation des finitions intérieures et décoratives. La dernière étape consiste à mettre en lumière le site : rétablir les éléments manquants et les détails qui avaient été perdus ou modifiés afin de retrouver autant que faire se peut la configuration originale du fort.

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Le palais d’été du fort de Lahore.
Copyright: 
AKDN

Améliorations menées dans le quartier

La ville fortifiée s’étend sur 252 hectares. Une grande partie de ses maisons historiques s’élèvent sur plusieurs étages, construits au fur et à mesure que les générations de familles se sont succédé. Ces maisons présentent des façades en briques, des toits plats, des balcons en bois richement sculptés et des jharokhâs (fenêtres en saillie avec des volets en bois). Ces constructions informelles réalisées par les habitants ont entraîné au fil des années de nombreux empiètements illégaux, l’accumulation de lignes électriques non protégées et l’augmentation du déversement d’eaux usées à même les rues. Cette situation nuit non seulement à la beauté de ces bâtiments ancestraux, mais provoque également des embouteillages dans les rues de plus en plus étroites, ce qui met en péril leurs structures physiques et présente un danger pour les habitants (Banque mondiale).

L’AKTC et la WCLA ont restauré ensemble un sentier historique de 383 mètres de long reliant la porte de Delhi de la ville fortifiée au marché Chowk Purani Kotwali. Ces travaux incluaient également la modernisation d’infrastructures et de services : enfouissement des lignes électriques et de télécommunication, construction de systèmes adaptés d’approvisionnement en gaz et en eau et d’égouts, suppression des empiètements sur l’espace public, pavage des rues et mise en place de mobilier urbain.

« J’hésitais toujours à autoriser mes enfants à aller jouer dehors avant que les travaux de restauration ne soient menés dans notre quartier. Maintenant, je suis sereine, car je sais que l’environnement direct de ma maison est sain et sûr », explique Samina Afzal, une habitante de la ville fortifiée.

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Une rue adjacente au hammam Shahi, à Lahore.
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AKDN / Matthieu Paley

La mobilisation de la communauté locale était un élément déterminant dans la réussite du projet. Pour ce faire, une organisation communautaire menée par la WCLA et constituée des habitants de 1 500 foyers a été formée. Convaincus des avantages des travaux de conservation et de réhabilitation, ces derniers se sont activement impliqués, et bon nombre d’entre eux ont même demandé à ce que leur maison soit restaurée.

Formation professionnelle et emploi

Grâce aux travaux de restauration, près de 500 personnes issues de quartiers à faible revenu ont suivi une formation en conservation et en artisanat traditionnel. En 14 ans, il est estimé que 1 500 personnes ont trouvé un emploi direct. Le gouvernement du Pendjab ayant demandé à l’AKTC de continuer à travailler sur d’autres monuments (comme la mosquée Badshahi) et dans toute la région au cours du projet, le besoin de professionnels de la conservation qualifiés a invariablement augmenté. Plus important encore, les résidents ont petit à petit accepté que le tissu urbain dont ils font partie soit réhabilité. Certains employés qui ont évolué grâce au projet (voir l’entrevue avec Haider Ali) ont acquis des compétences dans des domaines comme l’ingénierie et l’architecture qui leur ouvriront de nombreuses perspectives de travail au-delà de ce programme (pour en savoir plus, veuillez consulter la rubrique des bonnes pratiques de formation professionnelle).

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Un carreleur restaure une partie du mur illustré dans l’enceinte du fort de Lahore. L’AKDN fonde son travail sur la conviction que le patrimoine culturel peut stimuler une communauté et faire renaître la fierté et l’espoir de ses membres au travers d’initiatives de renforcement des moyens de subsistance et d’amélioration des espaces urbains.
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AKDN / Christopher Wilton-Steer

Développement du tourisme

En parallèle, l’AKTC a commencé à travailler sur le musée du fort de Lahore ainsi que sur l’élaboration d’un plan de gestion du tourisme pour l’ensemble du site. De nombreux emplois ont été créés pour répondre aux besoins des touristes : guides touristiques, conducteurs de rickshaws ou encore personnel d’entretien. Grâce à ces efforts, le site engendre des entrées d’argent supplémentaires en servant de lieu pour l’organisation d’expositions, de séances photo pour des mariages, d’événements d’entreprise ou autre.

La WCLA y organise également des rassemblements tels que des festivals soufis et encourage ainsi les visiteurs de différents milieux sociaux, ethniques et religieux à utiliser l’espace. Le site du hammam Shahi a été utilisé pour exposer les installations d’art contemporain de la Biennale 01 de Lahore en 2018 et a accueilli le festival British Council/MADLAB Sheherazade Arts-Tech en 2019.

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Les jardins de Shalimar à Lahore.
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AKDN / Christian Richters

Ce projet montre comment les initiatives des secteurs public et privé peuvent être menées de front de manière novatrice. Il a également encouragé de nombreux acteurs internationaux à contribuer aux travaux, dont l’Ambassade royale de Norvège, l’Ambassade des États-Unis, le Ministère allemand des affaires étrangères et le gouvernement français (liste complète ci-dessous).

Coup de projecteur sur le mur illustré

L’un des éléments caractéristiques du fort de Lahore, un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, est l’immense fresque extérieure connue sous le nom de « mur illustré ». Considéré comme la plus grande fresque du monde (450 mètres de long pour 17 mètres de haut), le mur illustré est richement décoré de carrelage émaillé et de mosaïques en faïence, de briques ornées, de filigranes et de peintures murales. Les travaux de construction du mur ont commencé sous le règne de l’empereur moghol Jahangir en 1624 et se sont achevés en 1632 sous le règne de son fils, l’empereur Shah Jahan.

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Restauration du mur illustré, un monument moghol datant du 17e siècle situé dans la ville fortifiée de Lahore, dans le Pendjab, au Pakistan.
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AKDN / Christopher Wilton-Steer

Chaque mosaïque du mur illustré donne un aperçu rare de la vie et des divertissements de la cour impériale et représente des portraits, des scènes de bataille ou de chasse, des animaux et créatures mythiques, des danseurs, des musiciens, mais aussi des motifs géométriques et floraux. Ces éléments uniques ont compté parmi les raisons principales de l’inscription du fort de Lahore sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 1981.

En 2015, l’AKCS,P a commencé à documenter, présenter et mettre en lumière le mur illustré. Trois ans plus tard, l’organisation a, en collaboration avec la WCLA, entrepris la conservation de la façade ouest du mur, d’une longueur de 73 mètres et d’une hauteur moyenne de 16 mètres, qui se compose de 635 panneaux encaissés ornés sur trois niveaux. Aujourd’hui, près de 60 % des travaux de conservation du mur illustré sont terminés (voir l’entrevue avec la scientifique en conservation Zeina Naseer).

Liste complète des contributeurs au projet de restauration de la ville fortifiée de Lahore mené par l’AKTC : Gouvernement du Pendjab, Banque mondiale, Agence Française de Développement, Ambassade royale de Norvège, Ambassade d’Allemagne, Ambassade des États-Unis, Fonds des ambassadeurs pour la préservation culturelle américain, Fonds J.M. Kaplan, Habib Bank Limited, Jubilee Life Insurance, Jubilee General Insurance et les résidents du quartier Gali Surjan Singh.