Bismillah-ir-Rahman-ir-Rahim (Au nom de Dieu clément et miséricordieux)
Votre Excellence, Monsieur le Président de la République, Professeur Marcelo Rebelo de Sousa,
Votre Excellence, Monsieur le Vice-président du Parlement, Jorge Lacão,
Madame Isabel Mota, présidente de la Fondation Calouste Gulbenkian,
Chers membres du gouvernement et du Parlement,
Diplomates, Excellences, Chers invités d’honneur,
Mesdames et Messieurs,
Quel grand plaisir et quel immense honneur de vous accueillir dans cette salle exceptionnelle ce soir et en cette occasion extraordinaire.
Sachez que je prononce ces mots au nom des nombreuses autres personnes à travers le monde qui ont permis la tenue de cet événement.
Je pense évidemment aux membres du Jamat ismaili et du Réseau Aga Khan de développement (AKDN), mais aussi, plus généralement, à toutes les personnes qui nous ont aidés à organiser les Prix Aga Khan de Musique (AKMA). J’aimerais les remercier tous, depuis les présentateurs des candidats, les membres du comité directeur ou du grand jury au secrétariat des Prix. Et, bien sûr, je pense aussi à tous les participants. Je félicite tous les lauréats, dont les talents musicaux ont enrichi avec tant de générosité les événements d’aujourd'hui.
J’aimerais également remercier les Lisboètes qui nous ont aidés à élaborer ce programme inaugural et la Fondation Calouste Gulbenkian pour son soutien inestimable. Cet événement célèbre le talent artistique et l’impact sociologique, tant dans leurs contextes d’origine qu’ailleurs, de réalisations artistiques issues de divers lieux et cultures. Et j’estime que cet endroit est parfait pour organiser une telle cérémonie. La Fondation Calouste Gulbenkian est respectée à travers le monde pour le rôle qu’elle joue en honorant les arts et les sciences, tandis que Lisbonne est depuis longtemps l’une des villes les plus accueillantes au monde pour les personnes de cultures et d’origines diverses. En outre, le Portugal lui-même a joué un rôle majeur au cours des siècles en apportant aux pays de ce continent les cultures de terres lointaines.
La présence ce soir du Président du Portugal, du Vice-président du Parlement, de la Ministre de la culture et de nombreux autres membres du gouvernement est un exemple éloquent de l’engagement de ce pays à l’égard d’idéaux pluralistes en quête d'un avenir meilleur. Nous sommes extrêmement honorés de vous compter tous parmi nous ce soir.
Les musiciens que nous célébrons ce week-end sont les représentants de formes très diverses du patrimoine musical musulman. Et je sais que dans certaines régions du monde, les termes « musulman » et « musique » ne sont pas souvent associés dans l’esprit du public. Pourtant, ils devraient l’être. Le patrimoine culturel de l’islam a longtemps fait du langage musical une expression fondamentale de la spiritualité humaine. Écouter, jouer, partager et interpréter de la musique font depuis longtemps partie intégrante de la vie des communautés musulmanes à travers le monde, tout comme la psalmodie de textes sacrés et historiques ou épiques.
J’ai appris très jeune comment mes propres ancêtres, les Fatimides, ont développé la musique dans la ville du Caire il y a un millénaire de cela. J’ai également appris comment la région ibérique où nous sommes réunis aujourd’hui, dans le territoire connu sous le nom d’Al-Andalus, a produit de nouvelles formes de musique et de poésie à la fin du Moyen-Âge. C’est ici, à Al-Andalus, que musulmans, juifs et chrétiens ont créé ensemble une culture exemplaire de tolérance, favorisant une créativité musicale qui incluait même de nouveaux types d'instruments et mettant sur pied de nouvelles approches de l’enseignement musical.
Je me rappelle également ma visite au Tadjikistan en 1995, au cours de laquelle j’ai été très impressionné par la richesse de la vie musicale parmi les personnes que j’ai rencontrées. J’ai alors commencé à réfléchir davantage à la façon dont la musique peut être un point d’ancrage culturel fort qui permet d’approfondir le sens de la communauté, de l’identité et du patrimoine tout en touchant de manière puissante des personnes d’origines différentes.
Je me rappelle avoir partagé ces pensées avec mon frère, le prince Amyn Aga Khan, dont les directives ont permis de mettre sur pied en 2001, les fondations de ce que nous avons appelé l’Initiative Aga Khan pour la musique (AKMI). Et ce programme nous a directement menés aux Prix de Musique que nous inaugurons aujourd’hui.
À l’origine, l’Initiative Aga Khan pour la musique centrait son travail dans les pays d’Asie centrale. Il était urgent d’agir là-bas car, lorsque l’ancienne Union soviétique contrôlait ces régions, elle avait activement découragé, voire réprimé, la pratique de la musique liée à des modes de vie traditionnels. L’Initiative pour la musique s’est d’abord efforcée de sensibiliser davantage les communautés locales à leur patrimoine musical, de former une nouvelle génération de musiciens jouant des instruments traditionnels, puis de faire connaître cette musique et ces musiciens à un public international. Et cela a fonctionné à deux niveaux. Ce projet a tout d’abord aidé les musiciens à gagner leurs vies afin qu’ils puissent continuer à développer leurs talents. Mais cela a également fait progresser la compréhension pluraliste des cultures musulmanes et le partage interculturel.
Le succès initial de ce travail en Asie centrale nous a amenés à élargir le périmètre d’intervention de l’Initiative pour la musique au-delà de la région, en Asie du Sud, au Moyen-Orient et en Afrique. Ce faisant, au-delà de l’interprétation, le projet a généré de nouvelles compositions et créations, et tous ces efforts ont complété nos autres initiatives pour faire progresser le développement économique et social, contribuant ainsi à bâtir des communautés plus stables, à nourrir un nouveau sentiment d’inspiration et d’espoir et à renforcer des axes de connexion humaine par-delà les anciennes divisions.
Un autre élément que nous avons appris à apprécier et à partager est la diversité remarquable qui existe dans le monde de la musique musulmane ! Celle-ci s’exprime dans de nombreux styles, formes et répertoires classiques. Elle inclut des mélodies folkloriques simples, une musique mystique contemplative et des rythmes de danse entraînants qui reflètent l’immense diversité des différentes cultures musulmanes elles-mêmes, parmi lesquelles figurent les traditions musicales soigneusement développées au cours des siècles au sein de la communauté ismailie.
En créant les Prix de Musique, nous espérons désormais accroître la portée et l'impact de l’Initiative pour la musique originelle. Pour ce faire, les lauréats des Prix ne recevront pas uniquement une récompense pécuniaire, mais auront également l’occasion de collaborer avec le secrétariat des Prix afin de renforcer l’impact de leur travail créatif en échangeant les uns avec les autres. L’objectif n’est pas seulement d’aider la génération d’artistes d’aujourd'hui, mais également d'inspirer une nouvelle génération de jeunes interprètes et compositeurs en Orient comme en Occident.
Dans tous les concerts organisés lors de cet événement, vous entendrez des musiciens exceptionnels s’exprimer dans leur propre langage artistique authentique. Aujourd'hui à Lisbonne, et dans les mois et années à venir à travers le monde, nous sommes convaincus que leurs voix continueront de transcender les anciennes frontières de temps et de lieux rappelant au monde que chaque individu peut être réceptif à l’art et à la musique, qu’ils proviennent d’une culture différente ou non.
Car, après tout, l’art est tout autant une question d'humanité que d’identité. Ainsi que la tradition islamique nous le rappelle depuis des siècles, l’étincelle divine qui nous confère notre individualité nous lie également à une famille humaine commune.
Et nous apprenons ainsi à considérer nos différences sous un angle nouveau. Nous arrivons à comprendre que la diversité culturelle n’est ni un fardeau ni une menace. En réalité, il s’agit plutôt d’un don du Divin, d’une chance d’apprendre et de grandir, d’une opportunité pour comprendre et apprécier l’identité de l’autre et par là même, sa propre identité essentielle.
Les forces technologiques qui refaçonnent notre monde aujourd’hui impliquent que nos voisins qui vivent à l’autre bout de la planète sont aussi proches de nous que nos voisins qui vivent de l’autre côté de la rue. Dans un tel monde, la paix et le progrès nécessitent que nous favorisions un programme pluraliste et que nous investissions dans une éthique cosmopolite. Ces Prix de Musique ont pour objectif d'investir dans cette œuvre.
Merci.