Votre Excellence Paul Kagame, Président de la République du Rwanda,
Son Altesse l’Aga Khan,
Chers membres du quatrième pouvoir,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de me joindre à vous à l’occasion de la Conférence inaugurale des médias panafricains. Permettez-moi tout d’abord de profiter de cette occasion pour souhaiter la bienvenue à toutes les personnes en visite dans notre beau pays au nom du peuple kenyan. Karibuni Kenya (bienvenue au Kenya).
J’aimerais également saluer tout particulièrement Son Excellence Paul Kagame, Président de la République du Rwanda, ainsi que les anciens chefs d’État Benjamin Mkapa et Joaquim Chissano.
Enfin, comment ne pas féliciter le Nation Media Group (NMG), qui célèbre cette année son 50e anniversaire.
Il y a 50 ans, Son Altesse l’Aga Khan s’est lancé dans ce que l’on peut aujourd’hui considérer comme un extraordinaire voyage. Partant sur des bases modestes, il a eu l’ambition de donner une voix à un pays en passe de devenir indépendant, ce qui a donné naissance au Nation Media Group, le plus grand groupe de médias d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Est à l’heure actuelle.
Je ne peux qu’applaudir toutes les personnes qui ont pris part au développement de cette organisation. Je souhaite également remercier celles et ceux qui ont documenté notre histoire et se sont faits les précurseurs des perspectives et des défis que notre pays et notre région se préparaient à rencontrer. Ces femmes et ces hommes se sont efforcés de définir notre place dans un village global où les nouvelles technologies donnent vie à ce qui semblait presque impossible dans le passé. C’est pourquoi je vous invite à féliciter avec moi l’ancienne et la nouvelle génération de journalistes, grâce à qui notre pays est aujourd’hui l’exemple même de la liberté des médias sur notre continent.
Mesdames et Messieurs,
La thématique de cette conférence est on ne peut plus pertinente et capture l’essence de la promesse africaine. Il s’agit là d’une occasion unique pour nous d’examiner le passé, le présent et les perspectives d’avenir des médias en Afrique dans un contexte marqué par les défis d’un environnement dynamique et mondialisé. Si cette thématique revêt une importance toute particulière, c’est parce que les médias ont un rôle unique à jouer dans la vie sociale, politique et économique de notre continent.
Ces prochains jours, vous allez avoir la chance de découvrir les défis et les perspectives des nouveaux médias. L’avènement des téléphones portables et d’Internet a donné naissance à de nouveaux médias qui résonnent de manière particulièrement forte auprès de notre jeune population. Toutefois, même ceux d’entre nous qui sont nés avant l’ère de l’informatique apprécient aujourd’hui la valeur ajoutée de ces nouveaux canaux de communication. En effet, si le journalisme citoyen est de nos jours une réalité, c’est grâce à des outils tels que les messages SMS, les blogs et les réseaux sociaux comme Facebook, YouTube, Twitter et MySpace.
Je suis donc très heureux de savoir que durant ces quelques jours, vous aborderez la manière dont ces nouveaux outils médiatiques peuvent renforcer la démocratie sur le continent africain. Vous aurez également l’occasion de découvrir le rôle qu’ils jouent dans la lutte contre la corruption et le népotisme, mais également en faveur de la résolution des problèmes environnementaux auxquels l’Afrique est confrontée en raison du changement climatique.
Mesdames et Messieurs,
Les médias jouent un rôle essentiel : informer, éduquer et divertir le public. En fournissant des informations, ils permettent aux citoyens de prendre des décisions responsables et éclairées. Conscient du rôle crucial des médias dans notre pays, le gouvernement kenyan s’est engagé, au cours des sept dernières années, à créer une société ouverte fondée sur le principe de la liberté de la presse. C’est pourquoi, aujourd’hui, les médias jouissent d’une plus grande liberté qu’à n’importe quelle autre époque de l’histoire du Kenya. Cet environnement favorable s’est notamment traduit par une augmentation inédite du nombre d’entreprises dans le secteur. À titre de comparaison, en 1999, nous comptions 16 stations de radio, principalement exploitées par le radiodiffuseur national, et huit chaînes de télévision. Aujourd’hui, nous comptons 80 stations de radio actives à travers tout le pays et 19 chaînes de télévision.
La croissance des médias est un indicateur positif du développement de notre nation. Toutefois, il est de bon ton de rappeler aux acteurs du secteur les bonnes pratiques liées à l’application de la liberté dont ils bénéficient actuellement. En effet, la liberté ne vient pas sans responsabilité, et dans ce contexte, il est également nécessaire de savoir faire preuve de tolérance et de veiller à ce que l’objectivité reste un pilier essentiel du journalisme. Vous, les médias, devez toujours vous laisser guider par la notion d’intérêt général car, à bien des égards, gérer les canaux de communication fait de vous les gardiens du grand public. C’est à ce public que vous devez transmettre des informations qui contribueront à façonner des sociétés informées et responsables, capables de prendre des décisions rationnelles.
Mesdames et Messieurs,
Le sujet de la gestion des médias a, dans de nombreux pays, souvent donné lieu à un débat animé sur le niveau de réglementation nécessaire à appliquer au secteur. Ici, au Kenya, nous échangeons depuis déjà un certain temps sur cette question et cherchons à atteindre un consensus acceptable pour toutes les parties prenantes. Plusieurs propositions ont été avancées, notamment celles d’un règlement général émis par le gouvernement. De mon point de vue, les médias devront, à terme, dépasser leur conception de la liberté de la presse et davantage se pencher sur le concept de journalisme responsable. En effet, ce n’est seulement que si les organes médiatiques dans leur globalité s’engagent à réglementer le secteur dans lequel ils sont actifs que notre pays atteindra un degré de professionnalisme irréprochable à cet égard. Des solutions doivent donc être élaborées, et le gouvernement est prêt à négocier.
Mesdames et Messieurs,
La Conférence des médias panafricains est organisée à une période charnière dans le développement de l’Afrique de l’Est. Le processus d’intégration régionale a en effet pris une nouvelle dimension avec la signature du protocole de marché commun. Aujourd’hui, la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) repose sur un marché vaste et solide, une population de 125 millions de personnes et un PIB cumulé de 70 milliards de dollars. Notre région fait ainsi face à une occasion unique de se positionner comme un centre économique lucratif en Afrique. Personnellement, je suis enthousiaste et plein d’espoir quant aux perspectives qui s’ouvrent à nous. Au fur et à mesure que le processus d’intégration régionale va s’intensifier, la CAE devra s’efforcer d’améliorer la visibilité de ses programmes. Ce processus, jusqu’ici couronné de succès, nécessitera toutefois que les populations fassent un effort d’appropriation de ce nouvel environnement.
C’est dans ce contexte que nous appelons tous les acteurs concernés à renforcer leur engagement et leur collaboration avec les médias.
En effet, les médias sont les mieux placés pour sensibiliser la population, ouvrir le débat et engager toutes les parties prenantes de notre région dans un échange productif. C’est pourquoi tous les organes médiatiques devraient se pencher sur le programme d’intégration de notre région. Je vous encourage donc à élaborer des moyens novateurs pour présenter ce programme d’une manière qui captivera nos concitoyens. Permettez-moi de vous rappeler à cette occasion que la Communauté d’Afrique de l’Est est le bloc régional le plus avancé du continent.
De nombreuses autres régions tentent de reproduire ce modèle, et plusieurs pays se montrent très intéressés et souhaiteraient intégrer la CAE. Je pense que cette histoire mérite d’être contée.
Mesdames et Messieurs,
Mes homologues chefs d’État et moi-même comptons également sur les médias pour nous aider à promouvoir les progrès que nous avons réalisés à l’échelle du continent. Vous devez résister à la tentation d’adopter une position afro-pessimiste et de penser que rien de bon ne peut émaner de l’Afrique. Il ne fait pas de doute que nous avons eu notre lot de défis. Nous en avons surmonté beaucoup, et en moins de temps que nos homologues occidentaux lorsqu’ils ont été confrontés à des circonstances similaires au cours de leur longue histoire. Désormais, lorsque vous parlerez de l’Afrique, je vous encourage à commencer à mettre davantage l’accent sur l’évolution des relations entre notre continent et ses partenaires externes. D’importants changements se produisent actuellement, tandis que la coopération Sud-Sud atteint de nouveaux sommets.
Les événements qui se dérouleront dans le cadre de cette coopération ouvriront la voie à de nouvelles dynamiques mondiales dans les années à venir.
Pour conclure, j’aimerais remercier l’Africa Media Initiative, lancée à Maputo en 2008, d’avoir choisi d’installer son siège social ici, au Kenya. Votre organisation est la bienvenue et nous sommes prêts à vous aider à mener à bien votre mission.
Enfin, je souhaite féliciter une fois encore le Nation Media Group qui célèbre cette année son jubilé d’or. J’ai pleinement conscience que l’un des événements que vous avez le plus couverts au Kenya dernièrement est notre quête d’une nouvelle constitution, un projet lancé il n’y a pas moins de 20 ans. Je suis convaincu que vous êtes sur le point de vous lancer dans l’écriture des derniers chapitres de ce long voyage. J’ai bon espoir que les Kenyans seront désormais prêts à adopter une nouvelle constitution. Je vous invite donc à soutenir cette entreprise et à encourager notre pays alors que nous nous apprêtons à embarquer pour un grand voyage dans l’édification d’un nouveau Kenya.
Sur ces paroles, je déclare désormais cette conférence officiellement ouverte.
Merci, et que Dieu vous bénisse.