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Rapport du Jury pour le cycle 2013

Rapport du Jury pour le cycle 2013

Les communautés musulmanes contemporaines vivent dans un contexte défini par des grandes vagues migratoires et sont appelées à revoir sans cesse leurs notions d’identité et de patrie.

Ces processus mènent à une constante compréhension du Soi et de l’Autre, résultant en différentes combinaisons, tout à la fois versatiles et créatives. Le Jury 2013 s’est engagé à identifier, reconnaître et récompenser les initiatives ayant le potentiel d’aider les communautés à surmonter les défis tout à la fois historiques, spatiaux et temporels auxquels elles font face au quotidien, ou d’associer héritage et modernité. Les thèmes dominants définissant ce cycle du Prix sont: restauration, comme revitalisation et adaptation de la tradition; intégration, comme moyen d’unification d’environnements urbains et ruraux; quête d’excellence esthétique malgré un budget restreint; et la dignité solennelle dans la mort comme moyen d’affirmer la vie et les vivants.

La restauration conduit parfois à la « muséification » d’espaces et d’objets comme tant de reliques du passé. L’hypothèse étant que la tradition est un concept cliniquement dissocié du présent. L’effet est, en outre, d’ossifier le passé en le déconnectant du présent. Là où l’histoire récente des peuples est concernée – dans ce cas-ci les communautés musulmanes dont le passé est ancré dans les sociétés colonisées et où le projet de modernité fut introduit dans le cadre d’une « mission civilisatrice » étrangère – les ravages sont plus importants. Le Jury a tenté d’identifier et reconnaître les initiatives mettant l’accent sur l’héritage à la fois vivant et flexible, ainsi affirmant son potentiel en tant que ressource amenée à investir le présent de manière significative. L’objet est de rendre possible pour un peuple l’appropriation de son histoire en tant que tradition vivante.

La restauration n’est jamais simplement un retour à l’original. Parmi les projets récompensés par le Jury sont ceux qui soulignent le potentiel de restauration pour y intégrer un partiellement le présent. Si dans un cas le défi est de permettre à la communauté de prendre possession de son passé, dans un autre c’est d’unifier un paysage fragmenté par la confluence de multiples développements, officiels et non-officiels. Les communautés musulmanes vivent dans des environnements variés, urbains et ruraux. Lorsqu’il s’agit de populations vivant dans des villages, le défi est de valider l’environnement rural. Ici, la restauration n’est pas simplement basée sur la forme; on appelle au processus participatif dans une approche holistique qui est plus que la somme de ses parties.

L’architecture est dans sa quintessence une activité urbaine, identifiée par l’urbanisme et la vie urbaine. En dépit de leur densité, les installations urbaines génèrent souvent une expérience de solitude, un sentiment d’être coupé du monde. Dans un contexte où les grands ponts ont tendance à être des éléments destructeurs dans la ville et le paysage, un pont qui prend appui légèrement sur le sol et tend à créer des espaces pour l’activité piétonne, se démarque. Le pont relie la société, à la fois métaphoriquement et physiquement, et contribue triplement à l’intégration: par une esthétique publique, une infrastructure et un paysage.

Est-il possible pour un projet à petit budget d’associer fonctionnalité et design, utilité et esthétique, accessibilité des prix et excellence ? L’architecture, une activité historiquement très destructrice pour l’environnement, peut-elle adopter une position qui combine une certaine humilité avec de hautes innovations, qui permette une faible consommation d’énergie et parallèlement un recyclage des ressources ? Parmi les projets que le Jury a récompensés, un projet de construction transforme les conteneurs à l’abandon, un déchet de la société de consommation, en un matériau de construction économique et esthétique, capable d’être utilisé pour combler l’absence d’infrastructure de santé et un haut niveau de soins.

Les mouvements rapides aboutissent au changement de composition ethnique et religieuse des communautés. Les questions autour des définitions du foyer et de l’espace publique, de soi et de l’autre, ont le potentiel de déclencher des divisions. Lorsqu’une intervention architecturale transforme cette instabilité en une réflexion sérieuse et objective sur la vie plutôt que la mort, elle a le potentiel de donner une deuxième chance aux vivants. Le Jury honore la grâce et la beauté de telles interventions, ainsi que leur caractère inclusif et prévenant.

Le Jury a suivit un processus en deux-temps pour arriver à cette sélection. La première étape, qui a aboutit à une présélection de 20 projets, était basée sur l’identification de thèmes et de défis auxquels ont fait face les professionnels de l’environnement bâti aujourd’hui. La deuxième étape était basée sur une considération en trois temps – une approche participative holistique, la qualité du design, et son impact socio-économique et environnemental – qui conduisit à la sélection finale des cinq projets lauréats du Prix Aga Khan d’Architecture:

Centre Salam de Chirurgie Cardiaque, Khartoum, Soudan;
Revitalisation du Centre Historique de Birzeit, Birzeit, Palestine;
Réhabilitation du Bazar de Tabriz, Tabriz, Iran;
Projet d’Infrastructure Urbaine de Rabat-Salé, Rabat et Salé, Maroc;
et, Cimetière Islamique, Altach, Autriche.

Genève, le 6 juin 2013

Mahmood Mamdani (président), David Adjaye, Howayda al-Harithy, Michel Desvigne, Kamil Merican, Toshiko Mori, Shahzia Sikander, Murat Tabanlıoğlu, Wang Shu